Les théories du complot au cinéma

Avec la crise sanitaire actuelle, les théories du complot et les informations douteuses fleurissent sur internet. L’exemple le plus récent : Hold Up, un documentaire d’environ 2h30 qui prétend révéler le véritable complot mondial derrière le coronavirus, est l’occasion de se pencher davantage sur les figures du complot sur grand écran.
L’Histoire le démontre, les théories du complot au cinéma ne sont pas chose nouvelle. Pendant la Guerre froide déjà, Hollywood s’évertuait à produire des films dans lesquels une conspiration communiste menaçait le monde : The Red Menace, réalisé par R. G. Springsteen en 1949 en est le parfait exemple. Puis, au fil des années, le complotisme est devenu un moyen de critique sociale, évoluant parallèlement à la perte de confiance des sociétés en leurs représentants politiques, à tel point que les théories les plus loufoques finissent par paraitre plus crédibles que la réalité. Et pour cause, le cinéma sait parfaitement que la banalité du réel reste bien moins séduisante et attirante que les machinations les plus complexes et maléfiques.
Parmi les théories les plus populaires, de nombreux films abordent les complots contre des présidents, qu’ils soient réels ou fictionnels. On retrouve par exemple l’assassinat de JFK qui a donné naissance à de nombreux long-métrages. Le plus abouti est probablement JFK de Oliver Stone, sorti en 1991, qui se fonde sur le livre écrit par Jim Garrison (interprété par Kevin Costner), procureur qui réfute les conclusions faites sur le meurtre de Kennedy et persuadé qu’il s’agit d’un coup d’état monté par la CIA.
Mais les théories du complot concernent également les stars, comme en témoignent certaines légendes affirmant par exemple qu’Elvis Presley ne serait toujours pas mort.
Dans son film Bubba Ho-Tep (2003), Don Coscarelli met en scène l’icône du rock’n’roll qui aurait orchestré sa propre mort et qui serait aujourd’hui dans une maison de repos où il se lie d’amitié avec un autre pensionnaire persuadé, lui, d’être JFK. Ajoutez à cela une momie, et le réalisateur signe un des films les plus déjantés et improbables sur le sujet des théories du complot.
Hollywood explore aussi d’autres théories encore plus populaires comme celle concernant le la mission Apollo 11, et selon laquelle aucun homme n’aurait réellement marché sur la lune en 1969.
Le premier film explorant cette idée-là est Capricorn One de Peter Hyams réalisé en 1977, qui met en scène la préparation d’un faux voyage vers Mars, cette fois-ci, avec des astronautes de la NASA emmenés en secret dans un studio de télévision. Le film en inspirera d’autres, plus récents, comme Moonwalkers (2015), une comédie d’Antoine Bardou-Jacquet, qui encore une fois montre la mise en scène derrière la mission Apollo 11. Craignant que celle-ci n’échoue, l’armée américaine envoie un vétéran en Angleterre convaincre le célèbre réalisateur Kubrick de tourner la fausse scène…
Enfin, d’autres films vont encore plus loin en imaginant que l’avenir est lui même un complot. C’est ce que proposent les sœurs Lana et Lilly Wachowski dans Matrix (1999) qui, sans secret pour personne, met en scène un jeune hacker qui découvre que notre monde n’est qu’une grande illusion et que des machines contrôlent l’humanité.
Mais si un schéma assez classique se dessine souvent, avec un héros isolé luttant généralement contre une organisation machiavélique pour déjouer ses plans malveillants, l’inverse existe aussi, bien que plutôt rare.
Effectivement, il peut arriver, contre toute attente, que le héros lui-même soit le complotiste. D’ailleurs, dans Complots (1997) de Richard Donner, Mel Gibson joue un chauffeur de taxi, hanté par des visions fugaces, et qui parle à ses clients d’obscurs complots connus de lui seul. Tout le monde le prend pour un paranoïaque jusqu’au jour où il se fait mystérieusement enlever par la CIA… Le film aborde avant tout la manipulation mentale dont souffre le héros, ce qui va donner lieu à une véritable chasse à l’homme rythmée par de l’action et de l’humour. Mais ce qui fait tout l’intérêt de ce film, c’est de voir comment Hollywood traitait le sujet du conspirationnisme avant les événements du 11 septembre et avant l’ère d’internet. Il est intéressant de remarquer que l’image donnée au complotiste était celle du « gentil » personnage assez attachant, jonglant entre la folie pure et l’hyper-rationalité. Et bien que la logique des faits qu’il présente soit souvent teintée d’absurde, le scénario leur donnait finalement raison. Aujourd’hui, cette image a sans nul doute quelque peu évolué : les conspirationnistes sont montrés comme des personnages malveillants et paranos qui ont généralement tort.
Finalement, les théories du complot sont entrées dans l’ADN du cinéma, et quelle que soit la machination proposée, le mélange subtil de faits, de suppositions et d’actions parvient quasiment toujours à nous tenir, nous, spectateurs, en haleine.
Zineb El Meliani (Rédactrice au pôle Voix-Off chez Frames, pôle cinéma de la Zone Art)