De l'utilité d'écrire

Écrire un article pour parler de l’intérêt de l’article pourrait donner l’image d’un chien qui court après sa propre queue. Néanmoins, je suis certain que nombreux sont ceux dotés de talents, qui se refusent toutefois de sortir une feuille blanche pour la remplir de leur encre.
Il est devenu un lieu commun que la presse écrite a perdu de son poids d’antan, face à l’envolée des formats plus dynamiques que sont les vidéos ou encore les mises en page Instagram. C’est un peu une caractéristique de notre quotidien que de faire face à beaucoup d’informations.
A l’instar de brancher son casque pour s’enfermer dans un monde de mélodies, écrire ce que l’on pense à un pouvoir certain : il détend, il fait réfléchir certes, mais dans un sens où il représente un défi. Pour nous, étudiants, qui vivons de relations sociales, de soirées et de conversations numériques, nous ne prenons pas le temps d’observer et de lire vraiment. Est-ce par manque de temps ? Telle est la réponse qu’on se donne en essayant de se convaincre. La simple vérité tient dans le fait qu’il s’agit d’une tâche chronophage et peu divertissante pour un esprit humain dont le temps moyen de concentration ne cesse de diminuer. Pour preuve ; combien d’entre vous qui ont lu la première phrase liront celle-ci ?
Une des causes à la déplaisance croissante de l’écriture réside pour une autre part dans l’assimilation de la lecture et de l’écriture à l’école : vrai et faux. Nul doute que vos dissertations de philo ou de français, ainsi que vos lectures -quand vous ne vous êtes pas contentés de résumés- ont rendu amer le goût que vous aviez de la lecture et de l’écriture. Pour certains, des parents qui forcent à écumer des pages et des pages de livres du fond de la cave constituent un facteur d’autant plus aggravant.
On en est donc là, et pour parler de ma propre expérience, j’ai longtemps tenu la lecture et l’écriture pour ennemies, jusqu’à ce que je passe en études supérieures. La prépa et ses dissertations de plusieurs copies doubles à n’en plus pouvoir… les premières semaines, les premiers mois ; un calvaire pour construire des propos censés qui ne sont pas alimentés de citations bateau à base de « Connais-toi toi-même » (pour info la vraie citation est d’ailleurs « Connais-toi toi-même et tu connaitras les hommes et les Dieux », facile de déformer des propos, même antiques, bref). C’est en profitant de « vacances » que je me suis demandé comment je pourrais améliorer ces textes insipides.
C’est alors que je me suis mis en tête de jouer avec les mots : pari risqué dans un monde encadré par la rigueur vous me direz.
Et bien pas tant.
Dès lors, je me suis mis en tête de construire des introductions à base de métaphores, en comparant des situations géopolitiques à ce qui me passait sous la main -riant seul, les premières fois que je faisais des rimes involontairement- puis les cherchant… Mais par-dessus tout, un mot d’ordre me guidait : tu sais ce que tu veux dire, maintenant cherche comment l’écrire, faire en sorte que ce soit un truc vivant qui ne t’ennuie pas, ni à écrire ni à relire. Et surtout : ne pas avoir peur du jugement, mais en garder des retours constructifs.
Bref, tout plein de mots pour aboutir à une conclusion : ne pas voir les mots comme un ennemi mais apprendre à les utiliser.
Évidemment, ce n’est pas une tache simple, mais elle reste bien moins fastidieuse qu’il n’y parait. Le fait que l’écriture soit assimilée à une tache scolaire est un frein dont il faut se détacher. Nous avons tous des choses à dire, nous pensons tous les uns les autres. Ah ça, quand il s’agit de se plaindre, d’un coup les mots nous viennent !
Dès lors, il reste un frein : la peur du jugement.
On pourrait assimiler le jugement à une note, et cela retomberait dans le schéma du problème scolaire. Si je disais que la libre expression est un droit pour lequel nombre de gens se sont battus, vous trouveriez la phrase bien belle mais peu profonde : pourtant, elle l’est.
Quand il s’agit d’écrire des pavés à vos amis, à vos journaux intimes, la tâche est moins compliquée… L’écriture, c’est finalement un peu comme tout : il faut faire ce qui nous plait, et se lancer. Une fois la première fois réalisée, le problème est quasiment réglé.
Nous pourrions enfin évoquer la peur de la page blanche : mythe ou réalité ?
Cette peur existe vraiment quand on a une obligation d’écrire : vais-je trouver que dire, et comment le dire ? Partir d’une feuille blanche peut paralyser certains d’entre nous, et c’est très compréhensible. Il faut oser, pratiquer, et prendre confiance en soi pour surmonter cet obstacle.
Bref, le calme et la patience, deux vertus qui tendent à se raréfier aujourd’hui, sont alors de mise.
Pour les plus valeureux qui arriveront à lire ces caractères, je conclurais en disant simplement que le jugement est un vice dont il faut se détacher pour n’en garder que l’essence même : les perspectives d’amélioration.
L’écriture permet de se mettre au clair avec soi-même, avec ses idées, tout en restant une activité bien plus calme et bien moins agressive que la multitude d’image que nous faisons défiler sur nos écrans. Un dernier mot sur le patrimoine que constitue le sens du verbe serait peut-être de trop, un peu cliché, voire prétentieux, mais c’est en osant qu’on préservera cet art.
-Benjamin Sinegre